Les ours de ma génération, et les humains aussi probablement, ont sûrement été marqué en leur temps par cette locution latine au travers du 7ième art (et y’en a même qui, comme moi, ont fait du latin et qui savent ce que ça veut dire tout en étant notoirement inculte vis-à-vis de l’expression artistique en question). Et pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, sans doute des jeunes cons qui passent leur temps à liker des conneries sur facebook et qui n’ont pas la moindre idée qu’avant l’an 2000 on faisait déjà du bon et même du très bon cinéma, je leur prêterai la VHS du « Cercle des poètes disparus »… enfin le DVD… enfin, la copie numérique ou le blu-ray… Enfin merde quoi, un support quelconque à partir duquel on peut enrichir sa culture cinématographique du siècle dernier à condition de ne pas déjà être décérébré du bulbe par la culture cinématographique de ce début de siècle.
Bon, cela dit, cette aparté n’a pour but que de jeter les bases d’un questionnement tout à fait lucide et pertinent sur la valeur de l’avenir en tant qu’hypothèse d’existence pour nous-à-la-retraite et nos enfants qui n’auront pas les moyens de la payer. Nous noterez avec quel subtil sarcasme j’évoque l’idée que nous aurions à nous soucier de ce que l’avenir nous réserve. Mais quel rapport avec le titre de cet article me direz-vous ?
La réponse est simple. Il n’y a guère que deux façons de gérer notre existence : faire les choses aujourd’hui en pensant à ce que cela nous apporte demain, et faire les choses aujourd’hui en pensant à ce qu’elle nous rapporte sur l’instant : d’où le « carpe diem » plutôt branché sur la seconde hypothèse. Il y a toujours une troisième hypothèse qui consiste à ne rien faire du tout, mais je propose à tout ceux qui l’envisagent sérieusement de leur donner l’adresse du cimetière le plus proche où des tas de gens exercent déjà cette activité.
Ce que j’évoque ici est une question de référentiel. Nous ne pouvons mesurer le progrès des choses que par rapport à une norme établie. En ce qui me concerne, c’est la France capitaliste ultra-fiscalisée et l’Europe désynchronisée, qui m’impose une manière de vivre et qui m’impose tout court, s’évertuant à faire perdurer un modèle économique, social et politique dans un contexte houleux et à la limite de l’explosion atomique. Et dans ce référentiel, on nous tient pour acquis que le travail est la clé de tout. Mais du travail, il n’y en a plus… Le modèle social lui-même est en danger et l’économie elle-même est une mécanique qui nous entraîne à note propre perdition. Tout devrait être repensé.
Alors je pose une question, comme dirait un certain politicien : est-ce qu’il n’est pas temps de se réveiller et de faire quelque chose de concret pour l’avenir ? On n’est pas obligé d’attendre que tout pète pour échanger des idées et faire valoir notre propre droit à la connerie (oui parce que, ne nous leurrons pas, ceux qui nous gouvernent ne sont pas des imbéciles… Ils savent ce qu’ils font, et parfois ils savent pertinemment qu’ils font mal les choses. Donc, des bêtises, on peut en sortir un grand nombre avant que ça soit de réelles bonnes idées). On peut philosopher longtemps sur la vacuité de « carpe diem ». Une phrase qui ressemble plus à « au diable les autres, au diable le monde, je me mets des œillères et j’essaie d’avoir une petite vie pépère ». Le problème de cette vision « carpediemiste » est que le modèle socialo-économique du monde est basé dessus. C’est l’argument de vente de la majorité des gouvernements de la planète que d’offrir à leurs « sujets » une petite vie tranquille. C’est un néon de bonheur clignotant sur le plafonnier des partis politiques. Mais ce qu’on oublie, toujours, tout le temps, c’est que c’est un putain de narcotique qu’on nous injecte à tour de bras pour nous faire croire que tout va bien.
Pourtant, notre monde d’aujourd’hui, qui sait à peine gérer ce que sera aujourd’hui, n’est pas du tout prêt pour demain. S’y prépare-t-il seulement ? Oh oui, on y pense, on y pense, on n’arrête pas d’y penser. Mais il se pourrait bien qu’il se passe quelque chose de grave bien avant qu’on y parvienne. Alarmiste moi ? Non. Réfléchissez 2 secondes, juste 2 secondes à ceci : demandez-vous là, à l’instant, sans en chercher les raisons profondes, à qui pensez-vous que c’est le rôle de régler les problèmes de votre monde ? Ou dans une moindre mesure, ceux de votre pays ? Ceux de votre ville ? Ceux de votre quartier ? Si à aucune de ces questions vous ne vous citez vous-même, ça veut dire que vous comptez sur au moins une personne qui n’est pas vous pour le faire. Et d’après vous, combien de personnes vont répondre la même chose que vous ?
Certain me diront, « mais je vote, moi, monsieur, je fais quelque chose ». Oui, vous vous dédouanez de votre responsabilité de citoyen du monde sur un quidam qui fait de belles promesses « carpediemistes ». Et qui finit par vous dire, « donnez-moi vos sous, ayez une belle vie, on s’occupe du reste ». Et bien sûr, comme on n’est pas content de ce qu’ils font, on gueule. Que de temps et d’énergie perdue vous ne croyez pas ? Je ne prétends pas que tout le monde devrait être responsable de tout, et mettre la main à la pâte, mais le minimum serait de prendre conscience que c’est malheureusement comme ça que fonctionne notre démocratie, que l’on a tous, à un moment donné, permis à un nombre restreint de gens de prendre les choses en main à notre place avec notre bénédiction. On ne peut pas tous être des politiciens responsables (y en a-t-il seulement un seul en France du reste ? ), mais on ne peut pas simplement accepter que « c’est comme ça ma pauv’ dame ».
Loin de moi l’idée de professer le militantisme primaire. Ça et là, on évoque le raz-le-bol, la crise, la fiscalisation outrancière. Ça et là, on milite, on se dresse contre l’ordre établi, on casse des radars routiers, des portiques, on gueule sur les taxes. Mais pire encore, ça et là, on entend un mot qui fait peur : révolution. Pourquoi il fait peur ? Parce que le sens de ce mot est double et notre Histoire (avec un grand H) a été marquée par une période trouble qui a porté ce nom, un nom qui est chez nous (en France) devenu un nom propre. Et cette période n’est pas le meilleur épisode qu’il y ait eu dans notre évolution sociale et culturelle. On le glorifie et on le fête car ce fut une période de changement que l’on jugeât nécessaire et bénéfique en fin de compte, mais on ne peut pas ignorer avec quelle violence, dans quel climat de terreur ce mouvement est né.
On pourrait croire que lorsqu’on évoque la révolution, l’on peut le faire dans le sens le plus honorable et le moins violent. Mais au travers du peu d’éducation de nos jeunes d’aujourd’hui, et de celle plus appuyée de nos aînés, l’on n’entend pas le meilleur sens de ce mot. Beaucoup croiront ou croient même déjà que cela implique de renverser le gouvernement, de détruire et de bouleverser sans vergogne ce qui existe pour rebâtir autre chose. Et c’est cela qui est effrayant. Si à un moment où à un autre, l’on perd de vue le but véritable d’une révolution, ce qu’elle est censé apporter de bénéfique au peuple, elle sera menée en dépit du bon sens et dans l’irrespect total des valeurs qu’elle voudrait instaurer.
Il est possible qu’on atteigne le point de rupture. La France s’échauffe et crie, mais elle pourrait mordre aussi. Je parle là de la France populaire, pas de l’Etat. L’Etat lui-même est même probablement un problème à lui tout seul. En tout cas, il est possible que le mot révolution prenne tout son sens sous peu. Mais lequel ? Le bon ou le mauvais ?
Et vous alors… Carpe diem ? Vous êtes sûr ?
D'autres os à ronger
Tags: Carpe diem, fiscalité, France, Le Cercle des Poètes Disparus, politique, révolution
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