Pour rappel, j’avais vu, il y a quelques mois, la première partie de ce long métrage méconnu du public, parce qu’il n’a pas bénéficié d’une distribution en salle, ni d’une publicité notable. Ce début était très prometteur. La fin l’est moins, et elle n’a pas la puissance narrative de son prédécesseur. En somme, je n’ai pas retrouvé dans cette seconde partie tout ce qui m’avait séduit dans la première. Difficile de faire la part des choses d’ailleurs. Le problème de cette seconde partie tient sans doute au fait qu’elle est séparée de la première. Certes, trois heures de film aurait probablement été trop long, mais un montage unique aurait largement profité à l’œuvre, notamment en éliminant beaucoup de scènes inutiles. Et l’autre problème est qu’on ne peut vraiment pas voir le 2 sans avoir bien en tête le 1, car même les quelques rappels fait au début du film ne suffisent pas.
Tant pis pour la lecture rendue difficile, tant par les nombreux flashbacks dont il faut parfois user pour reconstituer la trame narrative, que par ce découpage en deux films séparés bien inutile à mes yeux. Je dois quand même reconnaître que cette adaptation de Cthulhu au cinéma est encourageante. Je maintiens que l’ambiance générale qui se dégage du film est très cthulhesque et c’est un point fondamental. La complexité de l’intrigue sort des sentiers battus (anéantis ? ) hollywoodiens, à tel point qu’il faut avoir un peu de jugeote pour remettre les pièces du puzzle dans l’ordre. Et les héros de l’histoire, des investigateurs improvisés que l’on croirait tout droit sorti d’une partie de jeux de rôle de l’Appel de Cthulhu animée par un MJ sadique, subissent véritablement ce qui leur arrive.
Mais si l’ensemble se tient (sans être d’une solidité à toute épreuve) et qu’un petit twist vient donner du relief au mystère qui plane derrière ce récit, la fin est un peu molle et convenue, tout comme certains effets cinématographique éculés qui ne surprennent plus personne. Je pense qu’elle aurait gagné en force en décalant la réapparition d’un personnage clé vers la scène finale. Ça n’aurait pas été extraordinaire pour autant, mais clairement mieux agencé, permettant ainsi au spectateur de se poser des question plus longtemps et d’apprécier un peu plus le côté inéluctable de la fin.
Je disais donc que l’ambiance générale était très cthulhesque, mais pour autant, elle n’est pas très lovecraftienne. Il faut comprendre que Lovecraft lui-même, dans son oeuvre, n’offre pas de description très visuelles de ses créatures et se complaît dans le domaine du suggéré et du non-dit pour instiller la peur. La volonté de montrer ici les monstres dans toute leur splendeur nuit gravement à l’adaptation en tant qu’œuvre lovecraftienne. Un point que ne se prive pas de critiquer mon collègue blogueur Saint Epondyle, déçu de cette particularité propre aux adaptations cinématographiques dont le registre de Lovecraft à fait l’objet.
Comme dans une nouvelle de Lovecraft, il ne faut pas s’attendre à avoir des réponses sur tout. Beaucoup de questions que l’on se pose resteront sans suite, y compris l’implication des forces occultes cthulhiennes dans cette histoire dont les tenants et les aboutissants sont bien cachés derrières les conséquences. En ce sens, on est en plein dans la logique lovecraftienne qui veut que l’on ne saura rien, que l’on ne comprend pas ces puissances étranges en lisière de notre réalité, et que l’on ne peut de toute façon rien contre elles. Je ne suis pas sûr que cela convienne à un spectateur de cinéma mais ça conviendra à un lecteur de Howard Philips. A ce titre, l’apparition du célèbre auteur dans le film au travers d’un acteur à la ressemblance troublante est un clin d’œil des plus inattendus (mais pas des plus cohérents, attendu que H.P. Lovecraft n’a jamais été un personnage de ses récits et encore moins un sorcier…).
Enfin, je parie que l’auteur de ce film est un rôliste. Ça ressemble tellement à ce qu’une partie sur table aurait pu donner, qu’on en comprend très aisément les rouages. La scène finale pose cela comme une évidence. Dans une partie de jeu de rôle, une telle scène est attendue et nécessaire, alors que dans un film, elle est totalement surréaliste. Je la comprends pour ce qu’elle est dans le contexte d’une partie de Cthulhu bien plus aisément que dans le contexte d’une œuvre cinématographique. Je ne veux pas dire qu’elle est de trop dans le film, mais que son mode narratif ne convient pas. Et à la limite, elle est de trop si une suite était prévue, ce sur quoi le film ouvre en fin de compte. J’ignore toutefois si le territoire des ombres est entré dans son budget et s’autorisera une suite.
En conclusion, cette œuvre un peu exotique (espagnole et cthulhesque), sort quand même du lot. Je serai volontiers allé la voir au cinéma s’il s’était agi que d’un seul film. Ici, le découpage nuit à l’ensemble et fait figure d’une simple démarche marketing. Néanmoins j’aimerai bien, dans l’avenir, voir un peu plus de choses dans ce genre sur le grand écran. Les puristes trouveront forcément à redire, et les aficionados du film d’horreur contemporain seront déçu. Ce n’est néanmoins pas un film tout public dans le sens où sa compréhension est plus aisée pour quelqu’un qui connaît un minimum les œuvres de H.P. Lovecraft. Donc, un autre, mais mieux ciblé en terme de public, avec la même ambiance, plus de mystère sur les créatures, un jeu d’acteur un peu plus égal et une intrigue un poil moins complexe et intimiste, et je crois qu’on obtiendra un chef d’œuvre du 7ième art 🙂 (ouais… on en est loin, je suis d’accord)
A l’occasion, dites-moi ce que vous en avez pensé ?
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Tags: Jeux de rôle, L'Appel de Cthulhu, Le Territoire des Ombres, Rôliste
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