Cet acronyme anglais, utilisé tel quel par les meuporgiens pour séparer leurs petits univers virtuels du seul et unique qui compte vraiment, ce terme abscons, In Real Life, qui bêtement traduit en français donne En Vie Réelle ou Dans La Vie Réelle, indique à quel point il est parfois nécessaire de savoir faire la part des choses. En effet, on a finalement cru bon de décider qu’il existait au moins deux endroits dans lequel s’exprimer et vivre, la Vie Réelle d’une part, et le reste d’autres parts, parfois sans importance, parfois trop important, qui représente un contexte étrange, incompréhensible et forcément différents, donc quelque chose dont certains doivent avoir peur, et dans lequel l’IRL n’a pas sa place.
Depuis que je fréquente les univers virtuels des MMORPG, donc fort d’une expérience d’au moins 12 ans qui n’est pas terminée, il m’apparaît que l’on se trompe du tout au tout sur cette vision des choses. Un peu avant les années 2000 qui ont vu le début de l’explosion d’Internet, le MMORPG s’est imposé comme le premier vrai réseau social d’envergure. Eh oui, ne prenez pas ces airs effarouchés, un « face de bouc » ne serait rien sans un Ultima Online, un Everquest, un The 4th Coming, un Dark Age of Camelot, un Acheron’s Call, un World of Warcraft et j’en oublie. Certes, ce qui rassemble les gens d’un même réseau social, quelle que soit sa plate-forme sont des liens parfois différents de ceux qui unissent les joueurs de MMORPG… Mais différents à quel point ?
Je suis forcé de m’inscrire en faux. J’ai sans aucun doute le profil d’un gamer, et je devais écrire initialement un article (un de plus) sur Guild Wars 2, le prochain MMORPG qui va me réconcilier avec ce type de jeu pour un temps (et je ferai cet article mercredi, promis 🙂 ), mais je ne peux pas simplement parler d’un MMORPG sans parler de ce que j’ai vécu ce dernier week-end et qui est un rappel constant et bénéfique de ce que sont et ce que valent les rapports humains, et ce quels que soient leurs supports. Parce que voilà, dans le jargon des meuporgiens, je suis allé ce week-end à ce qu’on appelle communément une rencontre IRL, ou plus simplement une IRL. C’est évidemment un anglicisme doublé d’un barbarisme dans le contexte. A l’heure où j’écris ces mots qui seront virtuellement diffusés sur un support aussi volatile qu’un déplacement d’électrons dans un corps cuivré, il faut que vous compreniez que je suis là, dans mon bureau, en train de taper sur mon clavier, dans mon appartement, et que tout ceci est tout aussi réel est présent que ce que je prétends avoir fait de mes dernières 48 heures. Alors il n’y a pas vraiment de distinction ni même de sens à dire que je me suis rendu à une IRL, ceci est d’une évidence crasse.
J’ai vu des vrais gens, et sans l’intermédiaire d’un microphone enregistrant et numérisant mes propos pour les transmettre électriquement au travers d’un réseau informatique complexe afin de les restituer par une reconversion inverse sur les enceintes analogiques d’un quelconque appareil audiophonique, je leur ai même parler. Mieux encore, je les ai touchés, j’ai trinqué, bu et mangé avec eux et nous avons ri. Et il y en a encore pour appeler ça une IRL, comme si ça avait la moindre importance de distinguer cette rencontre d’une autre par le biais de cette sotte définition ? Non, je regrette. Vous faites fausse route. Il n’y a pas d’IRL qui tienne. Lorsque vous jouez à un MMORPG quelconque, que vous croisez l’avatar d’un autre joueur, que vous lui parlez ou que vous interagissez avec lui d’une quelconque autre façon (même en lui tapant sur la tronche, après tout, ces jeux ne sont pas toujours très fins dans leur approche sociale 😉 ), ce qu’il y a à l’autre bout de l’écran, c’est un être humain, qui va enregistrer vos propos dans sa mémoire à lui, et dont l’esprit ou le cœur, ou les deux en même temps, répondront à votre geste, vos mots, et à la gueule de l’avatar que vous avez choisi. Ce n’est pas virtuel ! On a inventé avant cela des moyens plus direct de parler à quelqu’un à distance, ça s’appelle le téléphone, mais même si le support de communication évolue, même si « ce n’est qu’un jeu », même si on aimerait bien juste se défouler sur la première gueule pixellisée un peu de traviole qu’on rencontre pour y puiser le fun défoulatoire permettant d’atténuer notre stress professionnel ou estudiantin (ou nos secrètes passions débridées et inexplicables d’adolescent incompris), ce que l’on éprouve et ce que « l’autre » éprouve n’est pas virtuel !
En fait, je ne crois pas que le virtuel existe. Certes, on pourrait me taxer de transhumaniste à la petite semaine, et si je me contentais uniquement de vivre ainsi ma vie, mes passions et mes sentiments c’est probablement un courant dans lequel je me complairais, mais non, ce n’est pas mon cas. C’est ainsi depuis 12 ans que je fais des rencontres en ligne, que j’en transforme la plupart en rencontre physique (non, je ne dirai plus IRL ! ). Je ne dis pas qu’au long de toutes ces années, j’ai pu garder un contact avec toutes même si je le déplore. Mais il est des personnes qu’on n’oublie pas. Même si on ne se souvient d’elles que comme des tas de pixels à l’écran et parfois des voix sur un chat vocal, on sait, au fond de soi, que tout ceci n’a rien de virtuel.
Alors voilà, à l’occasion d’un barbecue magnifiquement organisé par quelques-uns de ces personnages, comment l’on passe un bon moment et comment l’on se souvient. Comment on se rappelle parfois plus des noms d’avatars exotiques pas forcément originaux, des Deirdre, Métabaron, Buzar, Orion, Talona, Cyloane, Moire, Evelys, Ashley, Abelorn, Félomes, Mashad, Mortitia, Nadnin, Katrina, Mabelle, Valou, White Shadow, Ghim, Kallista, Sariel, et j’en oublie. Comment on se souvient de joueurs et joueuses qui ont marqué notre vie et que l’on a déjà croisé une fois ou deux, voire plus (ou qu’on projette de rencontrer tôt ou tard de visu), des Rol (toi… la prochaine fois que je passe à Toulouse… ! ), Bénédicte, Eric, Célia, Fabien, Vanessa, Beny, Jérôme (qui me manque gravement), Evelyne, Xavier, Alexandre, Axelle, Pascal, David, Skal, Florence, Christophe, Krikri (qui ne voudrait pas que je l’appelle autrement), Stéphane (qui ne se reconnaît pas par son propre prénom), Roxane, Nicolas, Christian (le meilleur gars gars du monde), Patricia, Anne-Marie, Natasha (maman lead), Laurence, Mathieu, Dominique, André, Jean, Frédéric, et j’en oublie… Comment on se rappelle des kilomètres avalés pour traverser la France, la Suisse ou la Belgique en long en large et en travers pour rencontrer tout ce beau monde. Voilà des moments, pas moins vrais d’un point de vue émotionnel, mais sacrément réels du point de vue de tout nos autres sens, que je dois aux MMORPGs.
A ceux qui auraient été cités, et à ceux qui me connaissent mais dont je ne me suis hélas pas souvenu, je dédie ce message : je vous dois d’être ce que je suis, j’en suis fier et je vous en remercie. Alors, oui, vous trouverez sans doute que ce n’est pas une réussite (et même peut-être un échec), mais je ne peux pas simplement le penser sans le dire, parce que de toute façon, vous n’y êtes pour rien. Tels que vous êtes, vous êtes aussi tel que je vous vois. Aucun d’entre nous n’est seulement la somme de ce qui le constitue, il est aussi l’image que nous en avons donné à tout ceux qui nous ont rencontré. Il n’y a probablement aucune gloire à tirer du fait que je vous connaisse, mais d’être connu de vous, je vous l’assure, est un très grand honneur.
Ceci est mon plaisir.
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