Neil Blomkamp. Réalisateur d’Afrique du Sud. Un nom qu’il convient de garder en mémoire pour l’avenir. Pour ceux qui n’ont pas vu l’excellent « District 9« , j’en conseille le visionnage pour se familiariser un peu plus avec ce réalisateur hors norme. Je ne trouve dans Elysium rien de transcendant d’un point de vue cinématographique, mais pourtant, cette œuvre interpelle mon intellect. Peut-être plus par son message que par son contenu ou ses acteurs, mais c’est bien là ce que voulait Blomkamp : choquer l’intellect. Spoilons un peu.
Pour ceux qui n’ont pas lu le pitch, Elysium se passe dans le futur de notre Terre en l’an 2154, et dessine l’ébauche de ce que notre société pourrait devenir. Dans l’espace, vivant sur un Tore de Stanford, une structure artificielle élaborée pour la colonisation de l’espace, placée en orbite haute autour de la terre, se trouvent les riches. Et sur Terre, véritable dépotoir des rebuts d’une humanité victime de sa démographie, les autres… Les pauvres quoi. Dans le ciel, sur Elysium, on vit plus longtemps et la médecine a fait des progrès considérables au point d’avoir éradiqué toutes les maladies et d’être capable de reconstruire une biologie en quelques secondes. Sur Terre, on vit, on meure, et surtout, on souffre. Malnutrition, pollution, maladie, surpopulation et tolérance zéro vis-à-vis des lois. La police n’est plus humaine mais mécanisée, et les droïdes de maintien de l’ordre n’ont ni le sens de l’humour, ni la moindre notion de pitié.
Le moins qu’on puisse dire est qu’Elysium pose un décors aussi noir qu’effrayant de réalisme. Car fondamentalement, c’est quand même ce qui nous pend au nez. En ce sens, je respecte la vision quasi-documentaire de cette œuvre, un peu moins que District 9, mais avec cette manière de tourner si caractéristique de la caméra à l’épaule. Et dans l’ensemble, c’est beau. Les plans sont parfois prestigieux, parfois intimistes, mais toujours intrusifs, et surtout… crus. Je pourrais dire que Blomkamp ne fait pas dans la dentelle, mais c’est négligé avec quelle délicatesse il découpe un corps humain, âme sensible s’abstenir. En terme de scène d’action, les choix de réalisation sont discutables, car l’action est assez confuse. C’est à dire que faire le choix de montrer un être humain se faire déchiqueter par des balles explosives d’un côté, et cacher une grande partie des pugilats de l’autre avec des plans rapprochés qui en rende la lecture difficile est un peu un non sens. En dehors de ça, Blomkamp gère très bien l’émotionnel et sait donner du volume à ses personnages.
Mais passé ces observations, je dois admettre que j’ai un problème avec le scénario, tout autant que j’en ai eu un avec celui de District 9. C’est hyper-décousu. Les motivations des personnages et les projets de ceux-ci sont assez difficiles à comprendre et à cerner. On nous assène chacune de leurs actions comme des évidences sans nous donner les clés qui expliqueraient pourquoi ils ont fait telle ou telle chose ou pris telle ou telle décision. Des 5 principaux protagonistes, Max, joué par Matt Damon (un acteur que j’admire la plupart du temps), est le seul dont on comprend pleinement, de A à Z, les buts. Mais le problème est qu’il n’est pas le moteur de l’histoire. Il est un chien dans un jeu de quille, un type négligeable, un bouseux pas très fino qui va certes changer le cours des choses, mais qui n’est que l’instrument par lequel ces changements arrivent. Les vrais artistes du changement dans cette histoire sont la Secrétaire de la défense Delacourt (joué par Jodie Foster), l’homme de main ambitieux Kruger (joué par Sharlto Copley qui tenait le rôle principal dans District 9 et qui est un compatriote de Neil Blomkamp), Frey la presque-petite amie de Max (jouée par Alice Braga), et le pirate informatique Spider (interprété par Wagner Moura). Soulignons au passage le côté hétéroclite de la distribution entre acteurs des US, du Brésil et d’Afrique du Sud. Hé bien, j’ai beau me faire la rétrospective du film, rien à faire. A aucun moment on ne passe assez de temps avec ces 5 personnages clés pour comprendre leur façon de penser.
L’impression qui ressort de ça est de se trouver presque confronté à un reportage du 20H dans lequel on nous explique les faits, mais pas les raisons qui les motive. Et on constate par nous même au travers de scènes que je trouve magnifiques et détaillées, que tout se meut sans raisons logiques (mais pas sans logique, puisque l’histoire se tient). Parce qu’il faut que la méchante Delacourt soit la méchante, elle fait des trucs de méchantes. Parce que ce cinglé de Kruger est le type le plus dangereux de la planète, il faut qu’il soit fou et dangereux. Parce qu’il faut qu’un pirate informatique aide Max à mener son projet à bien, Spider ira sur Elysium. Bref, si les enjeux sont ici compréhensibles parce qu’on sait que l’idée maîtresse du film c’est de mettre un grain de sable dans la machinerie innommable qu’est devenue l’humanité, les protagonistes agissent mais il ne nous est pas permis de comprendre.
Sans compter les innombrables absurdités d’un scénario bancal Hollywood-style dont Elysium n’est pas non plus bourré à craquer, faut pas pousser, je reste sur ma faim. J’ai assurément vu un film d’une très grande qualité mais il manque quelque chose. Blomkamp n’aurait pas cherché à montrer autant de détails sur l’univers de son film, la superficialité comportementale des personnages serait peut-être passée inaperçue. Mais là, non. Dommage. Ça aurait pu être un très grand film, et ça n’en est au final qu’un film regardable. Je reste toutefois séduit par son message, car pour une fois qu’une œuvre cinématographique n’est pas qu’un pur divertissement, il convient de le saluer. A déconseiller aux décérébrés du bulbe. Et je le maintiens… âmes sensibles, s’abstenir. C’est juste ultra-violent.
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Tags: Elysium, Jodie Foster, Matt Damon, Neil Blomkamp, Sharlto Copley, Tore de Stanford
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