Il y a des choses qui marquent. Certaines parce qu’elles sont simplement ignobles, d’autres parce qu’elles sont magnifiques, et puis il y a celles qui vous laissent dans l’incertitude. Cloud Atlas est ce genre d’oeuvre cinématographique qui a cet effet sur moi. On regarde le truc, on s’intéresse à tout ce qui s’y passe, on croit avoir compris, mais on reste indubitablement dans l’expectative, soit dans l’attente d’autre chose, soit, la conviction qu’il n’y a rien d’autre à voir au coeur, avec la croyance que tout ne nous a pas été dit. Cloud Atlas, le film, est tiré d’un roman que je n’ai pas lu, donc je m’en fiche (qu’il s’agisse d’une adaptation, pas du film évidemment ! ). Et attention, dans ce qui suit, je spoile un peu…
Dire que je suis déçu par Cloud Atlas serait mentir. Je n’avais regardé aucune bande annonce, à peine survolé le synopsis. En somme je ne m’attendais à rien de précis, sauf à me prendre une claque. Mais la claque n’est pas venue. Je n’ai toutefois pas perdu mon temps, mais j’ai consommé énormément d’énergie, tant à suivre qu’à mettre bout à bout les parcelles de récit qui nous sont contées là. Car la première chose à savoir lorsqu’on va voir ce film, c’est de ne surtout pas oublier d’emmener son cerveau. Ce n’est pas tant pour la profondeur (qui, elle, saute un peu aux yeux pour une fois), mais il faut un minimum de mémoire et de capacités cognitives pour arriver à sortir une vision a peu près cohérente de l’ensemble. Si vous n’avez pas ça à disposition, c’est mort : vous n’allez rien comprendre et trouver le film nul ou passable (dans la mesure où à défaut d’en comprendre le sens, l’image vaut le détour). Je ne dis pas qu’en comprenant, on le trouve bien, mais au moins, on sort moins con et on peut prétendre avoir capté l’essentiel du message.
Cloud Atlas raconte 6 historiettes qui se déroulent à différentes époques sur Terre. Une au XIXième, deux au XXième, une au XXIième, une au XXIIième et une dans un futur plus lointain encore et difficile à situer. Le problème est qu’elles ne sont pas racontées chronologiquement. Du moins, chaque historiette suit sa propre chronologie mais est découpée et racontée par petits bouts avec les cinq autres, sans enchaînement logique (du moins en apparence). Le début du film est donc extrêmement déroutant, jusqu’à ce qu’on commence à percevoir des liens entre elles. Au début, ces liens ne sont que les personnages, soit parce qu’on les reconnaît car il s’agit peu ou prou de 9 protagonistes par époque incarnés par les mêmes 9 acteurs principaux mais jouant un rôle différent à chaque époque (c’est pas exactement ça mais ça s’en rapproche), soit parce qu’au fur et à mesure on se rend compte que chaque historiette rend la suivante possible.
En somme, Cloud Atlas est un immense puzzle, mais le tableau qu’il révèle ne m’a pas époustouflé. J’ai consacré bien trop de concentration et d’énergie à rassembler les morceaux pour être épaté par la conclusion qui était presque un postulat de départ (oui, car quand on va voir un film, on suppose à juste titre que toute les scènes contribuent à la même histoire, ce qui est ici la conclusion « simplifiée » de ce visionnage). En somme, il s’avère juste que les destins de tous (en tout cas de tous les personnages de ces 6 historiettes) sont inextricablement liés à travers le temps. C’est une fresque, une sorte de conte fantastique, qui laisse croire à une certaine forme de réincarnation (bien qu’en définitive, cela ne soit pas vraiment le sujet et ne soit même pas corroboré, c’est juste le choix de réutiliser les mêmes acteurs qui le laissent penser) et qui se contente d’offrir une lecture soi-disant profonde du concept de destinée au travers d’un fil conducteur. C’est plein d’humanité, de bons sentiments, d’espoir. Cela pourrait presque passer pour un sermon religieux inspiré par le Bouddhisme ou l’Hindouisme.
Je ne sais pas si Cloud Atlas lance un genre. Déjà, il m’a été impossible de le classer, impossible de le catégoriser en un seul mot. Allociné le place dans la catégorie des « drames », mais c’est assez difficile à avaliser. En somme, c’est un OVNI, comme il en arrive assez peu souvent dans le cinéma. En cela, ses auteurs ne m’ont pas déçu. Les Wachowski (accoquiné à un troisième larron pour l’occasion) sont clairement avant-gardiste et conservent cette longueur d’avance sur les auteurs/réalisateurs plus classiques. Mais Cloud Atlas sort un peu trop du cadre conventionnel je pense. Il se présente plus comme une oeuvre d’art, résultat d’un exercice de style particulièrement audacieux plutôt que comme un vrai film. On est à la limite du cinéma d’art et d’essai, dans un mélange de genre qui se veut tout public et qui finalement ne convient à personne.
En tout cas, pour une tentative, elle est méritoire et rassemble un sacré panel d’acteurs. C’est dommage d’avoir mis en valeur Tom Hanks et Halle Berry sur l’affiche alors que leur rôle n’est pas absolument fondamental dans le récit. Mais à y bien réfléchir, comme les personnages qu’ils incarnent d’une époque à l’autre sont très différents, il est difficile de se focaliser sur l’un d’eux en particulier. Néanmoins, d’autres visages méritent davantage à mon sens. Je pense notamment à Hugo Weaving (lui, quand il ne tournera pas dans un Wachowski, il faudra s’inquiéter 😉 ), qui représente à lui seul une panoplie de sales gueules qui lui vont très bien. On a aussi les personnages de Jim Broadbent qui sont particulièrement marquant (ce gars a joué le professeurs Slughorn dans Harry Potter VI, VII.1 et VII.2), mais ce type à une vraie bouille tragi-comique qu’il est difficile d’ignorer.
Dans l’ensemble, la réalisation est à la hauteur des Wachowski qui, malgré les très différents contextes et époques, nous proposent des prises de vue et des plans très efficaces et même parfois audacieux, comme ils ont l’habitude. S’il y a certes la volonté de nous raconter quelque chose d’à la fois complexe et original (enfin, inspiré d’un bouquin quand même), et avec une signature propre à chaque environnement, cela est fait avec une certaine beauté et sans aucune censure. Certains actes de violence sont rapportés crûment (plutôt sanglant dirons-nous) et sans chichi par rapport au contexte. Il y a quelques traits d’humour assez étrange dans le film, des choses qui ne semblent pas tout à fait à propos, mais qui détendent un peu, car l’ambiance globale est quand même assez pesante et noire. Bref, c’est du bel ouvrage.
Je ne sais pas quoi dire sur Cloud Atlas qui se voudrait un conseil pour de futurs spectateurs. Le plus important est d’y aller avec l’esprit reposé et ouvert, car il y a beaucoup beaucoup de choses à ingurgiter. Je suis sûr que j’ai manqué pas mal de détails qui auraient donné plus de liant à l’ensemble si je les avais remarqué. Je pense néanmoins m’en être tiré assez bien. Mais je ne peux pas dire qu’il faut ou ne faut pas y aller. Se faire sa propre opinion est assurément la meilleures des choses à faire. Ca n’est pas en 3D, et ça peut s’envisager sur une télévision, aussi le grand écran n’est pas non plus essentiel au spectacle, même si les images sont très belles et profite parfois mieux d’une salle obscure.
Ah oui, un mot de plus sur le titre. J’aurai pensé que ce qui sert de titre à ce film soit quelque chose d’un peu plus consistant dans le scénario. Il y est fait mention comme d’un morceau de musique écrit par un personnage du film. La musique sert ensuite de fil conducteur entre les époques, mais de façon assez ténue. En somme, si Cloud Atlas est un peu le noeud central du récit, ça reste à mon sens plutôt anecdotique. Mais bon, en adaptant un roman, on ne fait pas ce qu’on veut.
Bref, Cloud Atlas, c’est bizarre, mangez-en peut-être… Mais c’est chargé.
D'autres os à ronger
Tags: Halle Berry, Hugh Grant, Hugo Weaving, Jim Broadbent, Tom Hanks, Wachowski
Un commentaire
Laisser une réponse