Le western, un type de film vu et revu en long, en large et en travers, ne fait plus trop recette ces dernières années. Ça tombe bien, parce qu’on n’en voit pas beaucoup (le dernier en date me concernant étant True Grit), et la plupart s’efforcent de revisiter le genre sous différents angles. Ce qu’il y a de bien (ou de terrible, selon les avis) avec Tarantino, c’est qu’il estime beaucoup le genre dans son interprétation la plus complète, c’est à dire dans un mélange très particulier de ce qui constitue le classique américain, le western spaghetti, et le Tarantino pure souche. Depuis Inglourious Basterds qui m’avait déjà frappé par sa « conformité » tout en y injectant les éléments truculents de ce qui façonne le cinéma Tarantino, j’avais quelque peu oublié des temps plus anciens où le Quentin nous assénait des films à la longueur indécente tout en perdant son spectateur dans un récit découpé à la tronçonneuse en mini-sketch, charge à celui qui regarde de tout remettre dans l’ordre. Et Django Unchained, fort heureusement, ne renoue pas avec ce bon vieux temps, même s’il garde ce cachet très spécifique de la suite de sketch propre à Tarantino. Le respect de la chronologie donne toutefois un film plus fluide et plus aisé à comprendre, gardant toute sa simplicité et un rythme plus traditionnel, et c’est tant mieux.
Comme toujours avec Tarantino, il faut s’attendre à certaines choses. Les plus marquantes sont :
- respecter le classique
- des personnages ultra-travaillé
- des scènes de dialogues omniprésentes
- des scènes d’action avec des situations à la con
- des trucs qu’on voit jamais ailleurs
Pour un classique, c’est un classique. Pour ceux qui se souviennent des bons vieux westerns, le générique, servi par une musique à la Ennio Morricone, affiche en surimpression par dessus les premières images, le titre et la distribution minimale (acteurs principaux, scénariste, réalisateur, producteurs). La fin du film aura droit au même traitement, distribution, casting, équipe technique, etc. présenté en liste fixe et non pas en défilé comme à l’accoutumé, dans le plus pur style de l’époque. Ensuite, et pour rendre hommage à Sergio Leone, dont Tarantino est un fan inconditionnel, le réalisateur remplit son récit visuel de gros plans, dont il use et abuse même. S’il y a quelques plans audacieux et franchement modernes dans ce film, ils ne sont pas légion et viennent jurer agréablement avec le style retro avec lequel Django Unchained est tourné.
Concernant les personnages, là, on est servi. Tarantino ne déroge pas à ses propres règles et nous sert une palette appréciable et appréciée de personnages marquants. Les principaux sont Django, Schultz et Candie, un trio tout à fait extraordinnaire campé par Jamie Foxx, Christoph Waltz et Leonardo DiCaprio, auquel j’ajouterai un quatrième larron et non des moindres, le personnage de Stephen (prononcez Stiveune) interprété par Samuel L. Jackson. Comme à son habitude, Quentin cultive avec le même soin ses personnages secondaires, des cas de psycho-pathologie divers et variés. On notera quand même que c’est la deuxième fois que Christoph Watlz tourne avec Tarantino et que son personnage n’est pas sans rappeler celui qu’il avait dans Inglorious Basterds. Il est proprement éblouissant dans ce type de rôle et il avait presque tenu à lui tout seul le précédent film. A voir s’il est capable de jouer autre chose. Il n’a pas une énorme filmographie de film hollywoodien et je ne l’ai vu que dans ceux de Tarantino, ça limite. Mais question performance, il est diablement efficace et attachant. DiCaprio est selon moi une erreur de casting. Il est très bon dans son rôle, là n’est pas la question, mais à chaque fois que je le voyais à l’écran et que je l’entendais parler, je voyais Johnny Depp, je ne sais pas pourquoi.
Les dialogues et les échanges à rallonge, c’est un peu la marque de fabrique de Quentin. Les scènes (les sketchs en fait) sont posées, agrémentées de plans larges, américains et de gros plans sur les différents protagonistes, et ils parlent, ils parlent, ils parlent. C’est carrément à l’opposé de ce que fait un Sergio Leone qui au contraire est très minimaliste en dialogue et omniprésent en silence gênant. Clairement, un personnage qui n’a pas la tchatche n’a pas sa place dans Django Unchained ni dans aucune production de Tarantino. Cela étant, il y a des exceptions et dans ce film, les exceptions sont contextuelles. Le thème central du film est l’esclavage, et les esclaves noirs, omniprésents dans le récit, ne disent pas grand chose.
Question scène d’action, on est servi par la qualité et pas vraiment par la quantité. Il y a au contraire beaucoup de temps passé sur les rencontres, les situations de dialogues, et l’action, la vraie, n’intervient que tardivement ou par petite touche dans le film. Par contre, Tarantino y va de sa patte et c’est dans l’ensemble plutôt cru, violent et sanglant, des tonneaux entiers d’hémoglobine sont versés dans ce film, ça gicle, ça pète bref, c’est pas pour les âmes sensibles. Les scènes d’actions sont aussi l’occasion de certains traits d’humour. L’humour est omniprésent, et les occasions de se poiler ne manquent pas, mais il est curieux (même si habituel pour Tarantino), d’en habiller la plupart des scènes d’action. La grosse scène d’action du film, une fusillade dans une maison est assez surréaliste, sanglante à souhait, mais aussi drôle.
Et puis, parce que Tarantino ne serait pas Tarantino s’il ne donnait à ses films un cachet particulier, il y a quelques bonnes idées et des situations qu’on ne voit pas ailleurs. Je ne peux pas trop en parler sans risquer de gâcher la surprise, certaines de ces idées donnant lieue à des scènes tragicomique d’une ampleur rarement égalée. Mais bon sang, que c’est bon.
Je n’ai pas grand chose de négatif à dire sur Django Unchained. Pour le peu que j’en avais entendu parler, j’admets sans honte que le nom seul de Tarantino me le plaçait sous les meilleurs augures. Et je ne suis pas déçu. A ce jour, mon meilleur Tarantino reste Kill Bill, mais Inglourious Basterds et Django Unchained ne sont vraiment pas loin derrière. Ce n’est pas du grand cinéma, car j’ai toujours trouvé Quentin Tarantino très intimiste avec ses oeuvres Il faut donc aimer le bonhomme et ce qu’il fait pour y goûter pleinement. Cela étant, ses deux dernières oeuvres sont quand même parmi les plus « tout public » que j’ai pu voir, et je trouve que ça tient la distance en terme de qualité par rapport à des gros films à succès, d’autant qu’il arrive à attirer de sacrés bons acteurs. Pour moi Christoph Waltz est l’un de ces génies de l’interprétation qu’il faut suivre avec attention. C’est sans conteste un des meilleurs acteurs que j’ai pu voir ces dernières années.
Bref, Django Unchained, c’est bon, mangez-en. Et à la limite, s’il y a du rabe, n’hésitez pas, retournez-y 🙂
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Tags: Christoph Waltz, Inglourious Basterds, Jamie Foxx, Léonardo DiCaprio, Quentin Tarantino, Samuel L. Jackson, western
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