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Oct

Légende Secrète – Chapitre 1

   Ecrit par : Wiz   in L'Ours, Romans

Légende secrète

Osbek Slaar, l’escorteur impérial, fait halte à Sekereth, dernier petit village de montagne avant de se lancer vers le col de Loskal avec ses compagnons, Lofen d’Ascret, un noble enquiquinant, et deux mercenaires. Josef Garmon, le chef du village, l’aborde pour lui proposer les services d’un guide, mais Osbek, méfiant, trouve son comportement étrange. Il est décidé à franchir le col sans autre appui.

Mise à jour du 16 décembre 2013 : hop, voici mis à jour ce chapitre de Légende secrète dans le cadre des Ecrinautes, en tant que seconde publication « non originale » et en attendant que vienne la nouvelle nouvelle du mois de décembre.

Voir aussi : Légende Secrète – Prélude

Chapitre 1, Blanc sommets

Malgré la bonne humeur communicative d’Ambrose, Danaïade faisait la moue. Elle venait de lui expliquer par le menu et en des termes aussi crus que possible ce qu’elle pensait de la décision de son chef du moment. Elle n’avait pourtant pas à se plaindre de ses gains. La jeune mercenaire, peut-être plus jeune que le Marquis d’Ascret, mais diablement efficace et directe, n’avait apparemment qu’une seule préoccupation : l’argent. Son homologue, d’une dizaine d’années son aîné et d’un caractère bien plus coulant, avait écouté sans faillir ses récriminations. Personne ne doutait, la jeune femme moins que les autres membres de l’équipée, que le pitre qu’il paraissait être n’avait, quant à lui, qu’une seule intention : occuper le même lit que la jeune femme, et certainement pas juste pour y dormir.

Ils ne se connaissaient pourtant que depuis le début du voyage, moment à partir duquel Ambrose Caddith avait égrené l’ensemble des approches les plus lourdes en matière de séduction pour se voir naturellement éconduit à chacune d’elles par la jolie Danaïade. Née Ildaren, un nom de famille plus que significatif puisque porteur de tout le prestige qui lui était accordé par la Compagnie d’Astareth, la richissime compagnie marchande de l’Empire, Danaïade n’avait embrassé la carrière de mercenaire que pour s’évader de la voie tracée par son père, à la tête du Grand Conseil d’Astareth depuis plus de vingt ans. Son nom n’était pas le gage de ses compétences, ça Osbek lui avait bien fait sentir, mais force était de constater qu’elle méritait la petite réputation qu’elle s’était forgée dans le milieu. Elle était pleine d’énergie, pas mauvaise à l’épée ou à l’arc, douée pour chasser, et relativement autonome. Osbek n’avait pas manqué de lui reprocher un peu trop d’individualisme et son sale caractère. Quand il s’agissait de réagir à la moindre mention de retard ou de détour, voire d’extra dans sa mission, elle montait au créneau avec une efficacité redoutable pour renégocier sa solde, et ne se privait pas d’en référer directement au payeur plutôt qu’au chef de l’expédition.

Toute à sa rage, son pas fut moins avisé et elle perdit l’équilibre en s’enfonçant plus que prévu dans une congère. Sans un cri, elle se retrouva menton dans la poudreuse, ses bras cherchant désespérément quelque chose de solide pour se relever. Son visage un peu fort de menton émergea presque aussitôt de la neige et darda son regard vert émeraude tout autour à la recherche du moindre signe d’hilarité moqueuse sur les visages. Ses pommettes saillantes étaient rougies par le froid et une longue mèche de ses cheveux brun tomba devant son nez étroit, court et retroussé. Personne ne se payait sa tête. Ambrose avait même visiblement l’intention de venir l’aider, mais elle fit un geste impérieux le sommant de ne pas l’approcher.

– Vous avez fini de vous amuser ?, les héla Osbek en retrait.

Encore plus furieuse, Danaïade s’extirpa de la congère et se dirigea vers l’escorteur. Ce dernier précédait Lofen de quelques pas. Depuis ce matin, ils marchaient dans la poudreuse et probablement hors de la route balisée, perdue dans le brouillard. Osbek se fiait à son sens de l’orientation pour s’y diriger même s’il admettait en lui-même ne pas être tout à fait certain de suivre la bonne direction. S’ils ne se trompaient pas trop de route, ils atteindraient la base du col à la nuit tombée, mais l’hypothèse restait fragile.

– C’est stupide !, s’exclama la jeune femme en face du vieux guide.
– C’est ce que j’entends depuis que nous avons quitté Sekereth, rétorqua calmement l’impérial. Ce n’est pas parce que tu le dis que ça l’est.
– On ne passera jamais le col dans ces conditions, et cela en supposant qu’on l’atteigne, argumenta Danaïade.

Ambrose se tenait en retrait, un air mi amusé mi sérieux figé sur son visage poupon. Ses yeux marron-gris pétillant d’une jovialité coutumière ne se détachaient guère de la contemplation de sa jeune acolyte, comme si, à tout instant, il allait se jeter sur elle pour la dévorer. Si un tel comportement ne s’était manifesté qu’après trop de jours écoulés pour faire demi-tour, Osbek se serait volontiers séparé des services d’Ambrose Caddith dont l’attention diminuait à mesure que son désir libidineux pour la jeune femme croissait. Victime d’une calvitie précoce qui découvrait une grande partie de son front jusqu’au pariétal, ce qui restait de cheveux blonds et courts à cet homme d’âge moyen renforçait son apparence juvénile. En dehors de ça, il avait bonne réputation dans le métier et Osbek avait déjà collaboré avec lui plusieurs fois, mais jamais en présence prolongée de la gent féminine. Etait-il un séducteur patenté attiré par toute forme suffisamment à son goût pour l’entreprendre, où affichait-il là quelques véritables sentiments ? Le chef de l’expédition ne se prononçait pas. Il poussa un long soupir avant de reporter son attention sur la fille Ildaren.

– Je n’ai pas la moindre envie d’aborder ce sujet. Même si nous mettons un peu de temps à trouver le chemin du col, la montée sera plus facile compte tenu de la configuration du terrain.
– Je ne comprends pas, intervint le marquis. Devons-nous craindre de ne pas retrouver la route du col ?

L’escorteur Slaar se retourna vers le noble.

– Je n’ai rien dit de tel. Le terrain a changé du fait de la tempête de neige, mais pas l’emplacement du col. Que nous ayons perdu de vue le balisage n’a rien d’inquiétant.
– Quoiqu’il en soit, ce temps perdu devra m’être payé !, renchérit Danaïade.

Osbek, littéralement coincé entre les deux roquets, se retenait de ne pas réagir violemment. S’il pouvait remettre en question sa décision d’être parti sans aucun guide local sur le plateau de Loskal embrumé et recouvert de neige, il acceptait de moins en moins que l’insistante jeune femme se passe de son avis pour réviser ses émoluments. Quant au noble, le simple fait qu’il ouvrit la bouche l’insupportait, car il n’avait jamais rien formulé d’autre que de plaintives remarques depuis au moins quinze jours.

– On discutera de ça plus tard, Ildaren !, lâcha-t-il sans même se retourner vers elle. Et vous, seigneur d’Ascret, si vous ne me faites pas confiance pour vous mener en territoire dudin, vous pouvez encore retourner à Sekereth et envoyer un message à Astendar pour qu’on vienne finir de vous y guider. Vous n’aurez probablement à attendre que deux mois dans le meilleur des cas avant qu’un second escorteur ne vienne.

La proposition avait été ponctuée par le bras levé de l’impérial pointé sèchement dans la direction supposée du village. La réplique ne suffit toutefois pas à faire taire l’importun.

– Nous aurions pu au moins prendre les chevaux.
– Si nous voulions tuer ces pauvres bêtes, assurément, nous aurions dû !, riposta l’escorteur hors de lui.
– Attendez !, intervint Ambrose dans un espèce de chuchotement forcé.

Osbek braqua son regard sur lui assez vite pour le voir pointer sa propre oreille et froncer les sourcils. C’était suffisant pour mettre l’impérial sur le qui-vive et d’ordonner au marquis de se baisser d’un geste auquel il était désormais habitué. Ils avaient déjà fait quelques mauvaises rencontres sur la route, mais rien qui ne soit jusqu’alors parfaitement évitable ou trop dangereux. Si les dires de Josef Garmon étaient vrais, la petite compagnie pouvait craindre d’avoir affaire à quelques gobelins en maraude, même si Osbek ne croyait pas qu’ils sortiraient de jour, et ce malgré la purée de pois qui les entourait.

Une détente lointaine et le sifflement d’un projectile fendant l’air firent réagir immédiatement les trois voyageurs aguerris qui s’aplatirent dans la neige, Osbek aidant le marquis à s’y enfoncer encore plus. Une flèche se ficha dans la poudreuse au-delà de leur position. Un tir trop long qui pouvait signifier que le tireur n’avait soit aucune idée précise de l’endroit où ils se trouvaient, soit qu’il s’agissait d’un signal ou d’un tir de semonce nullement destiné à les blesser. Le vieux guide releva la tête aussitôt pour voir Ambrose se redresser et crier « par ici » en se mettant à courir dans la direction qu’ils suivaient jusque-là. Lofen tenta d’échapper à la poigne d’Osbek pour le suivre, mais le cinquantenaire le maintint en place en lui plaquant sa moufle sur la bouche, ce qu’il fit sans ménagement et sans prendre garde à la neige qu’il avait dans les mains.

Un second tir percuta le blanc manteau entre le mercenaire et le reste du groupe, un tir toujours trop long. Néanmoins, la manœuvre dont Ambrose avait pris l’initiative semblait fonctionner, attirant sur lui l’attention d’un archer tirant probablement au juger. Cette tactique d’attaque échappait cependant au bon sens. Pourquoi une si mauvaise visée ? Pourquoi un seul tir à la fois ? Si l’épaisseur du brouillard répondait en partie à la première question, seule l’intention manifeste de tendre un piège en faisant croire qu’il n’y avait qu’un seul assaillant isolé justifiait de la seconde. Mais jamais un groupe de gobelins n’aurait élaboré une stratégie aussi complexe et jamais un groupe de mercenaires aguerris et un vieux de la vieille comme Osbek ne risquaient de tomber dans le panneau.

– Vite !, insista Ambrose déjà presque hors de vue malgré la difficulté à progresser dans près d’un mètre de poudreuse.

Il n’y eu pas d’autres détentes, et Lofen commençait à s’agiter en tout sens pour échapper à la poigne de l’escorteur. Non loin de ce dernier, Danaïade avait silencieusement armé son arc et se tenait prête à mettre en joue la moindre cible potentielle. Le guide capta l’attention du noble et lui fit signe de se taire. Il libéra le marquis et put enlever sa capuche pour dégager ses oreilles et tenter de mieux entendre. Dans la brume et sur l’épaisse couche souple de flocons accumulés durant la nuit, les sons étaient étouffés. Si la neige qui se tassait crissait quelque peu sous leurs pas, cela restait extrêmement ténu. Ce qui avait trahi leur position jusque-là était les éclats de voix de leurs échanges houleux quelques instants plus tôt. Un quelconque brigand aurait-il simplement tenté sa chance espérant faire mouche et renonçant à la moindre poursuite après l’inefficacité de sa tentative ?

Ambrose n’était plus perceptible. Noyé dans le brouillard et ses déplacements provoquant bien trop peu de bruits pour être entendu à plus de cent mètres, il avait dû, en toute logique, cesser de se faire remarquer pour trouver un point d’observation abrité. C’est ce qu’aurait fait Osbek à sa place et le vieux routard ne doutait pas que son cadet avait suffisamment de bon sens pour avoir opéré ainsi. Le silence régnait alentour. Seul le souffle rapide et rauque de Lofen troublait la quiétude de l’instant. Ils attendirent ainsi pas loin de cinq minutes qu’il se produise quelque chose. Ce faisant, leurs membres à moitié plongé dans l’épais manteau blanc se refroidissaient. Danaïade croisa alors le regard de son chef qui fit un léger signe de tête. Elle commença à se déployer vers la droite faisant face à la position supposée du tireur. Osbek fit de même par la gauche après avoir signifié au noble de rester sur place.

L’escorteur et la jeune femme manœuvrèrent ainsi en restant en limite de portée de vue l’un de l’autre. Scrutant la purée de pois à la recherche du moindre signe de présence humanoïde, ils se rejoignirent au point d’où, vraisemblablement, les tirs étaient partis. La zone était piétinée et un sillon était tracé dans la neige, s’éloignant vers le nord-ouest en direction de la forêt qui couvrait cette zone du plateau de Loskal. Osbek en devinait la présence sans la voir, se basant sur ses souvenirs et sa connaissance de la région. Ces traces allaient-elles jusque-là ? Le vieux guide estimait qu’il n’était pas raisonnable de chercher à le savoir. Si la position du tireur n’était manifestement pas le lieu d’une embuscade, son intervention et son départ pouvaient tout de même avoir été mené dans ce but. A moins que…

Osbek rebroussa chemin aussitôt, cette fois en courant, pour retourner vers le marquis. Il l’avait perdu de vue, et c’était une erreur. S’il retrouva l’endroit où il l’avait laissé, la silhouette vague d’un homme allongé étant singulièrement gravée dans le sol blanc, l’homme en question ne s’y trouvait pas. Le sang de l’impérial ne fit qu’un tour et la main qui se posa sur son épaule faillit le faire réagir violemment avant de constater que c’était la main gantée de Danaïade qui lui montra aussitôt une ombre un peu plus loin sur leur gauche. L’escorteur s’y précipita et reconnut le sang-bleu en train de fouiller la neige.

– Mais qu’est-ce que vous faites ?!, s’exclama-t-il.
– Je cherche sa petite sœur, répliqua Lofen sans se démonter en montrant une flèche qu’il tenait dans sa main.

D’un pas, la jeune femme fut à côté de lui et lui arracha presque l’objet avant de l’examiner.

– Hé !, s’insurgea le jeune homme.
– Où avez-vous trouvé ça ?, le questionna Osbek.
– C’est le projectile que nous avons failli recevoir la première fois.
– Nous ne risquions pas de le recevoir, commenta le cinquantenaire.
– C’est de facture gobeline, déclara doctement Danaïade soucieuse de justifier son salaire à tout moment.
– Un gobelin qui tire comme un pied, ajouta Osbek.
– Pourquoi des gobelins nous attaqueraient-ils ?, s’étonna le noble.
– En général, pour manger, lâcha sèchement son escorteur avant de se détourner.

La mercenaire reporta elle aussi son attention ailleurs, jetant un simple coup d’oeil pour identifier Ambrose qui revenait vers eux sans tambour ni trompette, puis à nouveau scrutant alentour prête à en découdre à tout moment. Personne ne s’intéressa à la mine déconfite du sieur d’Ascret suite à la dernière remarque de son guide. Celui-ci en oublia même de continuer ses recherches.

– Alors ?, interrogea Ambrose à portée de voix basse.
– Un tireur isolé, répondit l’impérial. Il a fui sa position. Ne restons pas là.

Ses deux acolytes acquiescèrent. Si Lofen n’ajouta rien, l’énergie qu’il déploya pour progresser dans la poudreuse indiquait à quel point il craignait pour sa vie. Osbek ricana intérieurement, savourant dans ce spectacle le résultat du peu de psychologie dont il faisait usage pour manœuvrer le nobliau. Car il n’était pas convaincu par une attaque de gobelin, contrairement à la nature des projectiles qu’on leur avait envoyé. Cette attaque était si étrange qu’elle signifiait nécessairement quelque chose hélas hors de la portée de l’intellect du cinquantenaire pour le moment, car une telle tactique n’avait pas le moindre sens à ses yeux. Un gobelin isolé n’aurait jamais manifesté sa présence. Un groupe n’aurait pas manqué de les attaquer. Quant à la possibilité d’un appât pouvant les conduire dans une embuscade, elle s’amenuisait à mesure qu’ils s’éloignaient du lieu de l’attaque et de la voie qu’on leur avait éventuellement suggéré pour s’y jeter. Dans l’hypothèse où il n’y avait pas plus de gobelins impliqués dans cet évènement que de nattes sur le crâne à demi-chauve d’Ambrose, l’intérêt de cet ersatz de menace était limité. Si on avait voulu les dissuader d’aller dans la forêt, celui qui les en avait avertis ignorait manifestement que le groupe n’avait pas la moindre intention d’y aller. Ca n’avait pas davantage été une ruse pour les séparer, sans quoi, on aurait nécessairement profité de la situation. Sur ce dernier point, Osbek s’en voulait d’ailleurs de s’être comporté comme un bleu. Cela étant, aucune autre idée ne parvenait à s’imposer comme sensée ni même plausible.

Le guide impérial en était là dans ses réflexions. Celles-ci tournaient et retournaient dans sa tête occultant quelque peu son attention. Heureusement, pas loin d’une heure après l’étrange rencontre, Danaïade et Ambrose, toujours aux aguets, se figèrent et se mirent sur leur garde. La troupe fit halte, Lofen, les yeux perdus dans la neige où il s’enfonçait jusqu’au bassin, se cognant presque contre la jeune femme. Devant eux, une silhouette se détachait dans la brume.

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Cet article a été publié le mardi 9 octobre 2012 à 18:12 et est classé dans L'Ours, Romans. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

Un commentaire

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[…] Légendre Secrète – Chapitre 1 (décembre) […]

9 janvier 2014 à 19:31

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